Muso est en train de regarder la pluie qui tombe encore et encore sur le détroit de Sudolphore, profitant de la vue imprenable de l'Auberge de l'Espadon. L'auberge en question se remplit de clients au fil de la matinée.
Certains apportent des nouvelles de l'immense cité à laquelle appartient l'Espadon, même si l'auberge reste à l'écart, juchée en haut de la ville ancienne, dominant le port et les quartiers.
La nouvelle qui frappe l'opinion est celle de l'attaque de la demeure de Philip Anton Vorloy, ancien Maître Conseiller chargé de la sécurité intérieure.
Cette nouvelle déclenche en l'auberge un torrent d'applaudissements des sans mains, des aveugles, des bas fonds, de ceux qui ont passé quelques temps dans les prisons et ce sous les ordres ou ordonnances de Vorloy. Tout le monde se réjouit de cette sorte de vengeance non espérée.
Kaenan offre une première tournée à la suite de cette bonne nouvelle, tournée qui fait oublier un instant la journée dégueulassement pluvieuse qui s'annonce.
Carluis, le patron de l'Espadon, à son tour, offre une tournée en l'honneur des flammes de Kossuth, et en l'honneur de Umberlie qui va éteindre les flammes et calmer les mers.
Muso entre à ces mots et laisse voir un mince sourire entre ses lèvres minces et pincées, au sein de son long visage émacié. IL prend un verre et trinque en l'honneur des flammes qui ont détruit la demeure du maître conseiller chargé de la sécurité.
Puis un arrivant annonce la disparition durant la nuit de trois gardes chargés de la surveillance des trafics entre le Vieux port et l'Orangeaie. Cette annonce est accueillie par une nouvelle tournée générale en l'honneur du désordre et du petit peuple opprimé... Certains disent : la Dame de l'Egarement a encore rendu justice contre les semeurs de malheur que sont les représentants de l'ordre.
Là encore Muso trinque, les lèvres pincées. Kaenan lève lui aussi son verre, presque à regret, et trinque à son tour. Finalement, qu'est-ce que l'ordre, et qu'est-ce que le désordre ? et à qui profitent-ils ?