L'auberge de la Tablette est un murmure de bruit divers sur les évènements de la nuit et de la journée, auxquels s'ajoutent parfois des fantasmes sur la Cosette venue dans la journée. On parle encore un peu de Mintar, de Baine, et d'une expédition maritime que la ville lancerait dans le Lac de Vapeur, avec à sa tête Abn An Mor le tyran !
Dans le cours de la journée, l'Auberge se fait moins estudiantine, lesdits étudiants étant en train d'étudier. Il reste bien néanmoins quelques dignes représentant des meilleurs cas qui préfèrent boire plutôt que d'ingurgiter du savoir jusqu'à le vomir. Leur état fait peine à voir le soir.
Leur compagnons reviennent, nourris de connaissances, le soir, pour s'abreuver de nectar. Ils reparlent de la belle clocharde en terme plus qu'évocateurs. Connaissant la réputation des étudiants le patron leur indique :
"Je ne vous conseille pas de commettre vos habituels méfaits, c'est une fille de la Rue Basse Fosse des Louves, et il vaut mieux ne pas vous attirer d'ennuis ces temps-ci... les divers gangs présents en cette rue pourraient avoir des intérêts avec elle...
Un homme présent au comptoir avec deux amis, d'une trentaine d'année, semblant bien enivré demande :
- Que faisait alors cette gueuse en ce lieu ?
Le patron répond :
- Elle venait s'enquérir sur les meutres d'hier, c'est une proche d'une des victimes. Elle cherche à venger ce proche. C'est celui qui a été retrouvé cloué, et elle veut se venger !
- C'est bien, fait un compagnon de l'homme... nous la comprenons aubergiste, la vengeance est un plat qui se mange froid. Elle soupçonne qui ?
Fort de l'intérêt qu'il suscite le patron indique :
- Comme tout le monde ici elle soupçonne.... il regarde d'un air moins fier les trois hommes, car ils sont trois... enfin, certains ont été crucifiés... vous comprenez ?
Les trois hommes, d'âge mûr, regardent sans broncher le patron. Ils sont vêtus de vêtements amples de couleur variée de type calimshite. Leurs cheveux sont plutôt courts, leurs visage durs et minces, la peau à peine bronzée.
- Poursuis, l'homme ! fait l'un d'eux. Nous pourrions l'aider, car nous aussi avons vu un proche périr en ces nuits, et nous avons sans doute un intérêt commun.
- Euh, elle, elle partait, chercher des renseignements dans d'autres lieux, le Tertre, le Scriptorium... mais elle est de la Rue des Basses Fosses..
- Tu l'as déjà dit... nous avons rencontré les Coupes Jarrets, nous nous sommes bien amusés... pas de crainte à ce sujet donc, dit l'un. Les trois hommes sourient d'un air froid. Que cherchait-elle encore ?
Le patron observe ses trois interlocuteurs, qui restent de marbre, et ensuite il blêmit.
- Elle cherchait des homme qui auraient traîné il y a peu dans le quartier proche du Chat Gris et auraient trinqué avec... avec.... enfin avec qui... enfin... Ah oui, et puis elle cherchait surtout une jeune femme, voilée... Voilà voilà voilà ce qu'elle cherchait. Cela vous va-t-il ?
- Une autre femme ? fait l'un des hommes, d'un coup plus sérieux. A quoi ressemblerait-elle ?
-...de très beaux yeux, qu'elle a dit, avec une coiffe sur la tête, avec seulement visibles quelques cheveux auburn tirés en arrière... une femme discrète qui aurait été vue à plusieurs reprises dans le quartier... Des vêtements riches, vous voyez, rien à voir avec M.... elle ! Le patron commence à transpirer.
- Et cette belle et riche femme, vous l'avez vue ici ?
- Non !
- Bien, l'homme, tu nous a bien répondu. Nous nous en souvenons !
Les trois hommes saluent le patron, l'un deux jette sur le comptoir plus de pièces qu'il n'en faut pour payer les tournées qu'ils ont bues. Ils quittent les lieux lentement et sûrement.
Les étudiants présents sur les lieux regardent le patron transpirant. Celui s'essuye le front, regarde les pièces sur le comptoir, et annonce sans joie : "tournée générale".
Pendant une bonne heure on boit gratuitement. Le patron, lui, s'excuse, laisse ses commis entretenir les lieux, et s'en va par la porte de derrière, l'air soucieux.
Il revient dans la soirée, alors que les tables sont remplies par les dineurs du soir. La soire s'avance sans que l'on ne reparle des évènements de ces jours.
La journée du 8 de la 2e décade du mois du Ches se clot ainsi.